Humoresques

Tous au pôle!

images/2018_GIBBS_300.jpgWolcott Gibbs, Tous au pôle! Paris, éditions Wombat, 2018, 16€. Traduction de l'anglais (américain) et préface de Thierry Beauchamp.

 

mot clé : humour américain

 

Une expédition polaire qui ne vous laissera pas de glace !

Le commandant Christopher Robin est expédié au pôle Sud par le grand magnat de la presse Herbst. Équipé de tout sauf du nécessaire, le navigateur malgré lui se trouve embarqué dans une aventure « bipolaire » et scénarisée à son insu. Car la prétendue entreprise à but scientifique se révèle être une gigantesque opération publicitaire, où l’on croise de biens drôles d’oiseaux, de la starlette bimbo Cynara au pingouin alcoolique baptisé Jake.

 

Parodie burlesque du récit de la première expédition de l’amiral Richard Byrd (1928-1930), Tous au pôle ! s’attaque frontalement aux dérives des médias à une époque où les nouvelles technologies (le cinéma et la radio) se mettent au service de l’information-spectacle traditionnelle. En ces temps de « publi-reportages », de chaînes d’infos en continu et de voyages spatiaux sponsorisés, cette pochade extra-lucide, publiée en 1931, critique visionnaire du tourisme aventurier, n’a rien perdu de son actualité ni de son mordant.

Les éditions Wombat n'ont pas fini de nous faire découvrir l'immense champ du comique américain.

Wolcott Gibbs (1902-1958) travailla comme éditorialiste, critique de théâtre et parodiste pour le New Yorker de 1928 jusqu’à sa mort. Collègue de bureau de James Thurber et Robert Benchley, il fut aussi le grand rewriter du magazine, le seul à qui l’on pouvait demander de corriger, retoucher et parfois même terminer les papiers de ses illustres collègues (Scott Fitzgerald y compris). En plus de son unique roman satirique, Tous au pôle ! (1931), il a publié une pièce de théâtre, Season in the Sun (grand succès à Broadway), et trois recueils d’articles humoristiques, jamais traduits en français.

De cet incurable misanthrope et grand alcoolique, Harold Ross, le grand patron du New Yorker, avait coutume de dire : « Il n’aime peut-être rien, mais il sait tout faire. » Quant à l’éminent humoriste anglais P. G. Wodehouse, qui n’appréciait guère le ton ni l’esprit du magazine américain, lui-même dut concéder : « Tout ce qui est publié dans le New Yorker est ennuyeux au possible, à l’exception de Wolcott Gibbs. »