Humoresques

Appel à contribution

le boulevard, Un ThEATRE A SORTIR DU PLACARD ? Revue loxias N°57 / juin 2017

Sous la direction de Thomas Cepitelli et de Marie Duret-Pujol

Le théâtre de boulevard récent fait partie des formes oubliées des recherches en études théâtrales. Les ouvrages généraux de Michel Corvin (Le théâtre de boulevard, PUF, « Que sais-je ? », Paris, 1989) et de Brigitte Brunet (Le théâtre de Boulevard, Nathan Université, Paris, 2004) font ainsi figure d’exception. A côté de ces deux ouvrages se trouvent des monographies relatives à un.e auteur.e, à une troupe ou un théâtre, réalisées par des universitaires ou par des journalistes[1]. Le nombre d’ouvrages et d’articles reste toutefois peu élevé. Nous entendons donc ici apporter une contribution à ces formes et à ces pratiques de spectacles délaissées dans le champ de la recherche.

 

Les raisons de cette absence sont multiples, qui tiennent à la position qu’occupe ce théâtre dans les champs artistique et scientifique. Dans le premier, en France, la structuration ancienne entre théâtres privés et théâtres publics a contribué à renforcer la distinction entre les pièces de boulevard, dont la quasi intégralité est jouée dans les théâtres privés, et les pièces jouées dans les théâtres publics. Des auteurs et des comédiens comme Eugène Durif[1], Tilly ou encore Henri Guybet[2], témoignent de leur expérience et de la difficulté de jouer sur les scènes publiques après avoir joué dans les salles privées. C’est également le cas du dramaturge Jean-Marie Besset dont la nomination à la tête du CDN de Montpellier a suscité une polémique nourrie dans les milieux culturels. Ceux-ci s’interrogeaient, d’une part, sur sa capacité à diriger une institution publique alors qu’il venait du théâtre privé, mais jetaient aussi un doute sur ses qualités artistiques, et ce, pour les mêmes raisons.

 

La distinction entre privé et public doit toutefois être réinterrogée aujourd’hui et les propos de ces artistes historicisés. Les modes de productions des pièces et des spectacles sont, en effet, variés et des auteur.e.s, des metteur.e.s en scène et des comédien.ne.s, comme Didier Sandre, Dominique Valadié, François Morel, Michel Fau, Alexandra Lamy, Jean-Louis Benoit, ou encore Carole Bouquet jouent sur les deux types de réseaux. De même, certaines pièces sont ou pourraient être diffusées tant dans le public que dans le privé. Cette opposition entre privé et public est-elle encore opératoire et opérante pour envisager les spectacles des boulevards ? S’il semble que non, pourquoi les pratiques et les jugements de valeur persistent-ils ?

 

Ces discussions ne peuvent éluder le fait que, dans le champ scientifique, ce type de sujet est tenu pour inférieur car en répondant pas, peut-on croire, aux canons esthétiques en vigueur mais aussi à une qualité jugée souvent en deçà de la création dite subventionnée. L’université valide en même temps par le fait même qu’elle classe des objets en tant que légitimes ou non légitimes comme l’explique, entre autres, Pierre Bourdieu dans Méditations Pascaliennes.[3] Il conviendra alors de s’interroger sur la validité de l’usage d’une épistémologie orthodoxe sur des objets qui ne le sont pas (encore) ou s’il convient d’interroger les outils eux-mêmes pour en articuler de nouveaux, peut-être plus appropriés.

 

Concernant l’esthétique des pièces, prises par le respect de certaines convenances et conventions, Michel Corvin énonce que « la pièce de boulevard avance sur une ligne de crête étroite, menacée par les deux précipices de la banalité et de l’inacceptable [4]». Les artistes seraient ainsi sommés de proposer des pièces ni trop banales ni trop osées pour plaire aux spectateur.trices. Soulignant l’immobilisme de ces formes, Pierre Voltz signale ainsi que « Sarcey reste, en 1960, le meilleur théoricien d’un certain idéal de comédie bourgeoise traditionnelle [5]». Comment les formes, les genres et les pratiques des théâtres des boulevards ont-ils/elles évolué depuis les années 1960 ? Les affirmations de Pierre Voltz et de Michel Corvin sont-elles encore pertinentes pour caractériser ces pièces aujourd’hui ?  

 

Dans ce numéro, nous entendons « théâtre de boulevard » dans un sens large, en prenant en considération les spectacles inscrits dans cette catégorie ou qui s’en réclament ainsi que les lieux où ces spectacles sont joués. Les études pourront porter sur tous les genres et les formes de spectacles. Christophe Charle l’indique en introduction de son ouvrage Théâtres en capitales[6], lorsqu’il s’attache à ce type d’étude, le/la chercheur-se doit prêter attention à ne pas s’appuyer seulement sur les œuvres canoniques, à ne pas hiérarchiser les œuvres et à ne pas oublier sa propre culture scolaire, pour prendre en compte les spectacles, les auteur.e.s mais aussi les comédien.ne.s qui les jouent, les salles où elles sont présentées, le type de spectateur-trices auxquel.le.s ces spectacles s’adressent, par qui elles sont commandées, ainsi que les succès ou les échecs des pièces étudiées. Pour y parvenir, l’approche se veut pluridisciplinaire, ouverte aux sciences humaines et sociales. Les propositions issues des études théâtrales, de l’histoire, des sciences sociales, des études sur le genre seront les bienvenues. La période proposée s’étend des années 1960 à nos jours, sans restriction d’aire géographique.

 

 

 

Les propositions d’articles pourront porter sur les axes de recherche suivants :

 

$1-          Stars et vedettes des boulevards,

 

$1-          Maintiens et contestations des formes et des représentations dominantes ?,

 

$1-          Revisiter le boulevard,

 

$1-          Economie et sociologie des théâtres de boulevard.

 

 

 

 

 

$1Ø  AXE 1 : Stars et vedettes des boulevards

 

Qu’est-ce qui « fait » une vedette des boulevards ? Pourquoi des acteur-trices comme Jacqueline Maillan, Darry Cowl, Michèle Laroque ou encore Pierre Palmade deviennent-ils/elles des stars des planches ? Est-il possible de définir des codes de jeu boulevardiers ? La présence de grandes vedettes est-elle toujours un moteur fort pour donner envie d’assister à ces pièces ?

 

Il sera possible de proposer des études précises sur :

 

$1-          la trajectoire d’un-e comédien-ne, d’un auteur-trice, d’un-e metteur-se en scène ayant fait carrière grâce au théâtre de boulevard,

 

$1-          Le jeu d’un-e comédien-ne vedette,

 

$1-          L’importance des duos et des distributions,

 

$1-          Les réceptions, enquêtes auprès des spectateurs, etc.

 

$1Ø  AXE 2 : Maintiens et contestations des formes et des représentations dominantes ? 

 

Michel Corvin et Brigitte Brunet notent tous deux à quel point le théâtre de boulevard est, le plus souvent, un théâtre dit « bourgeois ». Attendant par là que le répertoire va dans le sens des principes et des idéaux politiques et moraux de ses spectateurs. Cependant, il est aussi à remarquer que plusieurs des auteurs de boulevard aiment à jouer sur les limites de ce qui est jugé représentable. Quelles sont ces limites aujourd’hui ? Quelles formes prennent le maintien d’une culture dominante qui est la marque « des idées de la classe dominante » comme l’écrit Karl Marx.[7]

 

Il sera possible de proposer des études précises sur :

 

$1-          les principaux axes définissant ce qui serait une « esthétique de boulevard »,

 

$1-          les tabous qui sont maintenus hors de la scène et ceux qui y sont traités,

 

$1-          la place d’artistes (auteur.e.s, metteur.se.s en scène, acteur-trices) issu.e.s de communautés et la spécificité des sujets dont ils traitent,

 

$1-          les réactions des publics et de la critique dramatique lors de la création de pièces transgressant des tabous et des zones de silence, etc.

 

$1Ø  AXE 3 : Revisiter le boulevard

 

Les codes du théâtre de boulevard alimentent aujourd’hui les propositions de plusieurs  auteur.e.s et metteur-ses en scène, comme Daniel Mesguish (Boulevard du boulevard du boulevard, créé au Théâtre du Rond-Point de Paris en 2005), Michel Vinaver (Bettencourt boulevard ou une histoire de France, créé au TNP de Villeurbanne en 2015), ou encore Nicole Genovese et Claude Vanessa (Ciel mon placard, 2014, La Loge, Paris).

 

Réécriture, transposition, adaptation, motif parodique… ? Qu’est-ce qui intéresse les artistes dans la reprise des codes boulevardiers ? Ces nouvelles pièces sont-elles encore des pièces de boulevard ? Les études pourront porter sur les évolutions dramaturgiques (jeu, écriture, composition…) des pièces de boulevard, sur les motifs (usage des portes et des placards, traitement des émotions…) ainsi que sur les projets et les pratiques des artistes.

 

$1Ø  AXE 4 : Eco/socio théâtre de boulevard

 

L’une des caractéristiques du théâtre de Boulevard est son mode de production. A priori éloigné du réseau des théâtres subventionnés et de leur obligation de produire, et des subventions directes allouées par les DRAC, les DAC ou encore le Ministère de la Culture et de la Communication, les artistes s’appuient sur une économie capitaliste où des sociétés investissent en pariant sur tel ou tel spectacle. Dès lors quels sont les critères qui président au choix de telle production, à son maintien à l’affiche, à son retrait ou encore à la reprise d’un succès historique ?

 

Il sera possible de proposer des études sur :

 

$1-          des sociétés de production, des producteur-trices privé.e.s et leurs mises en réseaux (Association des théâtres privés)

 

$1-          sur le rachat de théâtres historiques, évacuation de l’histoire de ces théâtres pour le business (Théâtre Antoine, Théâtre de l’œuvre), etc.

 

 

 

 

 

Clôture de l’appel à contributions le 5 novembre 2016

 

Annonce des articles retenus pour le numéro : 20 novembre 2016.

 

Rendu des articles : 15 février 2016.

 

Sortie du numéro : 15 juin 2017

 

Les propositions de contributions sont à envoyer à :

 

Thomas Cepitelli (Université Nice Sophia Antipolis, CTEL) : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Marie Duret-Pujol (Université Bordeaux Montaigne, CLARE/Artes): Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Odile Gannier (Université Nice Sophia Antipolis, CTEL) : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

 

 

 

  1. :  http://revel.unice.fr/loxias/ 

 

Centre Transdisciplinaire d’Epistémologie de la Littérature et des Arts (CTEL) :  http://ctel.unice.fr/presentation.html

 



[1] Eugène Durif, témoigne ainsi que « avec le théâtre public il y a eu des réactions terribles. On me disait que la comédie était faite pour le théâtre privé. Il existe une forme de mépris pour le genre […] comme si la comédie était encore mineure, et n’aurait pas le droit de cité dans l’institution et dans le théâtre public » in entretien réalisé par Marie Duret-Pujol le 8 avril 2010, inédit.

[2] Henri Guybet, entretien réalisé par Marie Duret-Pujol le 1er juillet 2015, inédit.

[3] Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Seuil collection « Liber », 1997.

[4] Michel Corvin, Le théâtre de boulevard, op. cit., p.43. 

[5] Pierre Voltz, La Comédie, Paris, Armand Colin, 1964, p.157.

[6] Christophe Charle, Théâtres en capitales. Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, Paris, Albin Michel, 2008.

[7] Karl Marx  Le manifeste du Parti communiste, Paris, Editions sociales, 1983, p.59

 



[1] Citons, par exemple, Alice Bouchetard, Yasmina Reza, Le miroir et le masque, Paris, Editions Léo Scheer, 2011, ouvrage issu de sa thèse de doctorat, ou encore le récent Le théâtre des Champs-Élysées est ouvert, Nathalie Sergent dir., Paris, Éditions Verlhac, 2013.