Humoresques

Les Chinois, Cham et Daumier

images/2023- CHAM DAUMIER073.jpgEric Janicot, Les Chinois croqués par Cham et Daumier, Paris, éditions You Feng, 2022, 230p, 18€

 

mot-clé: Chine, Daumier, Cham, Guerre de l'opium, XIXème siècle

 

Les représentations de la Chine vue par Cham et Daumier lors de la seconde guerre de l’opium (1856-1860) sont présentées par Eric Janicot à l’aide de dessins d’actualités parus principalement dans le Charivari de Charles Philipon pour Daumier et en fascicules par Cham.

L’auteur cite néanmoins un dessin antérieur de Daumier publié dans la caricature (n° 199, 28 septembre 1834) intitulé « Magot de la Chine », une statue grotesque, pansue, affligée d’une grosse tête piriforme et d’un sourire propre à cette divinité du contentement en Asie. Ce dessin était alors surtout en phase avec les charges contre Louis-Philippe dessinées par Charles Philipon lors du célèbre procès le 14 novembre 1831, dont un rappel est développé. Une présentation des deux dessinateurs et également faite s’appuyant sur Baudelaire pour caractériser Daumier et Emile Bayard pour Cham. L’intérêt pour les chinoiseries ne date pas du XIXème siècle, il se manifeste dans les siècles précédents et en particulier au XVIIIème siècle, aussi n’est-il pas surprenant que Daumier ait également publié Le voyage en Chine, une série de 32 planches dans le Charivari de décembre 1843 à juin 1845. Cette inspiration suit la première guerre de l’opium de 1839 à 1842 déclarée entre la Grande-Bretagne et la Chine. Au nom du libre-échange la Grande-Bretagne veut imposer son commerce de l’opium à la Chine qui s’y oppose en raison des conséquences délétères sur sa population. Ces aspects économiques et politiques ne sont jamais dénoncés en tant que tels par les caricaturistes.

L’ensemble des dessins présentés où dominent les publications de Cham, offrent l’affligeant tableau de multiples « poncifs culturels, de comique troupier et de racisme ordinaire » comme le souligne Janicot. Les jeux de mots, les mœurs, les vêtements et surtout la coiffure des hommes avec une natte (vite associée à une queue), ou les pieds bandés des femmes…L’implication de la France dans ce conflit sur un prétexte (l’exécution d’un missionnaire français) et les relations diplomatiques de Napoléon III avec la reine Victoria ne sont pas une page honorable de notre histoire. Après le rétablissement de la censure en 1852, sous le Second Empire, le Charivari se concentre sur les mœurs, les arts, la littérature et le théâtre plutôt que sur la politique. En 1860 Daumier est licencié par Philipon du Charivari, il n’y reviendra que brièvement en 1863 après la mort de son directeur tandis que Cham, plus en phase avec l’esprit cocardier de cette période du journal satirique, y continuera jusqu’à sa mort en 1879.

 L’ouvrage d’Eric Janicot rassemble des dessins rarement étudiés, en les replaçant dans les représentations de la Chine au XIXème siècle. La caricature aura connu de meilleurs combats, révèlant à cette occasion sa médiocrité au service d’une intention dégradante de tout ce qui est étranger.

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