Humoresques

Cabu - Rafle du Vel d'Hiv

images/2022-Cabu-rafle028.jpgCabu, La Rafle du Vel d'Hiv. Dessins présentés par Laurent Joly. Paris, Tallendier/Mémorial dela Shoah, 2022, 55p, 18€.

 

mot clé : Cabu, antisémitisme

 

À l’occasion des 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv, Véronique Cabut, son épouse, et le Mémorial de la Shoah proposent de redécouvrir les dessins de Cabu jamais exposés depuis leur parution.

Cette exposition est aussi un hommage à un dessinateur génial et populaire qui fut l’une des douze victimes de l’attentat djihadiste du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo.

Dessinateur, Cabu était aussi journaliste, carte de presse n° 21991. « Un dessin, cela ne se raconte pas, cela se regarde », affirmait-il. J’attendais tous les mercredis pour les voir publiés dans le Canard enchaîné et Charlie Hebdo. Jamais je ne regardais sur sa table les originaux. De toute façon, le fouillis particulier qui y régnait m’en dissuadait. Lui seul savait s’y retrouver. 

Cabu a 29 ans en 1967 lorsque le Nouveau Candide lui commande une série de dessins pour illustrer la publication des bonnes pages du livre à paraitre de Claude Lévy et Paul Tillard, La Grande Rafle du Vel d’Hiv. C’est une exclusivité. Cabu lit ce livre qui retrace le drame des de familles juives arrêtées au petit matin à Paris par la police française les 16 et 17 juillet 1942. Il est totalement bouleversé. Les auteurs, résistants et déportés, ont mené une vaste enquête, interrogé beaucoup de monde. 

Le défi est immense et Cabu y met toute son énergie et son talent graphique sans égal. Des dessins bruts, des coups de poing dans la « gueule » – je reprends volontairement son expression car elle prend toute sa force quand on les regarde. Travailleur acharné, il a ce projet à cœur plus qu’aucun autre. Sa mémoire des lieux – le Vel d’Hiv a été détruit une dizaine d’années plus tôt –, que je qualifierais de photographique, saute aux yeux.

Rien n’est plus dur qu’écrire en général sur le dessin, et sur le travail de l’homme de sa vie en particulier. Plongée, contre-plongée, compositions différentes, trait unique, en mouvement, des angles choisis avec une détermination précise et sans faute, au service de l’expressivité. Foisonnement de personnages toujours différents comme chez son maître Albert Dubout qu’il copiait lorsqu’il était enfant. Visages expressifs aux yeux apeurés des hommes, femmes et des enfants ; dureté des policiers, des gendarmes, impassibles.

Cabu avait une immense admiration pour les tableaux de Rembrandt, il prenait des notes sur les yeux des personnages dans tous les musées. Les décors de ses dessins ne sont jamais gratuits, ils collent à la réalité, qu’il s’agisse du bus, de l’intérieur du Vel d’Hiv ou du métro aérien. Son sens des détails est unique et ne laisse rien au hasard. Les situations sont fidèles aux lieux indiqués dans le livre de Claude Lévy et Paul Tillard. Sa générosité est flagrante, toute son âme est là pour raconter cette tragédie qui a coûté la vie à près de 13 000 Juifs.

Cabu en restera marqué à jamais, comme par son service militaire obligatoire de vingt-sept mois pendant la guerre d’Algérie.

Ses dessins sont là pour l’Histoire. Laurent Joly en restitue magnifiquement toute la force et je l’en remercie.

Véronique Cabut

Voir le dossier du Mémorial :  https://1942.memorialdelashoah.org/exposition-cabu-dessins-de-la-rafle-du-vel-dhiv.html

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