Humoresques

Vaincre les épidémies-2

Agnès Sandras

VAINCRE LES ÉPIDÉMIES ENTRE 1900 ET 1929 : ISOLEMENT, MASQUES, SÉRUMS OU VACCINS

-PARTIE II-Masque ou voilette?

En 1918, le corps médical préconise le port du masque ou de la voilette contre la grippe espagnole. Une telle incitation était-elle naïve ou simplement maladroite ? Dans l’imaginaire collectif, le masque comme la voilette renvoyaient en effet aux fantasmes les plus variés. De surcroît, le traumatisme des masques à gaz était très présent. Cette communication ratée a peut-être  contribué à détourner les Français(e)s de ce moyen de protection contre la grippe de 1918 à 1929 … voire plus tard !

 

Dans le précédent billet, j’ai évoqué les mesures prophylactiques prônées par les scientifiques contre la grippe espagnole en 1918-1919 en attendant des traitements efficaces et/ou sérums et vaccins. Isolement et masques faisaient partie des préconisations. Plusieurs photographies datant de cette période ont circulé récemment sur Internet à la faveur de la pandémie de Covid-19 : elles montrent des gens portant des masques dans l’espace public, et peuvent donner à croire que de nombreuses nations ont usé de ces protections en 1918-1919. Mais en réalité, le masque a été imposé et porté dans peu de pays (et de surcroît seulement dans quelques zones de ces États) à cette période. En France, en 1918-1919, le masque  a pu séduire une partie du corps médical, étonner et faire rire le grand public grâce à une tentative de pédagogie des caricaturistes, mais il n’a pas été obligatoire en dehors de l’univers hospitalier.

 

À la lecture de la presse entre 1919 et 1929, on peut même déceler une sourde hostilité française au port du masque protégeant des microbes. Elle prend racine au XIXe siècle, se confirme lors de la pandémie de 1918-1919 et trouve pleinement son essor en 1929, lors d’une nouvelle épidémie de grippe. Les écrits scientifiques des médecins, les articles et dessins publiés par les journaux permettent de reconstituer les mécanismes fort complexes et plus ou moins conscients du manque d’adhésion au port du masque. En proposant de lutter contre la grippe avec des masques et/ou des voilettes, les médecins ont ouvert une véritable boîte de Pandore : l’imaginaire des contemporains autour des masques et des voilettes était en effet d’une grande richesse.

 Un imaginaire du masque effrayant ou rassurant sur fond de Carnaval

 Pour les Français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, le masque est associé à des représentations diverses, le plus souvent dans une tension douloureuse entre effroi et rire, mensonge et charivari, séduction et rejet. Plusieurs pages du Grand Dictionnaire Larousse (1866-1877) sont consacrées aux masques, ce qui en dit long sur la polysémie et la richesse du terme.

Voir l'article dans son intégralité illustré de nombreux documents iconographiques : https://histoirebnf.hypotheses.org/10485