Humoresques

L'humour face aux épidémies 1

images/charivari 30 mars 1851 grippe gallica bnf image 1.jpgAgnès Sandras, L’HUMOUR FACE AUX ÉPIDÉMIES – PARTIE I.
LE CHARIVARI, LE CHOLÉRA ET LA GRIPPE ENTRE 1832 ET 1870

 Des chansons, des dessins, des parodies, et bien d’autres,  fleurissent actuellement autour du coronavirus sur les réseaux sociaux. La stratégie de résistance via l’humour face aux différentes catastrophes n’est pas nouvelle. Ses formes évoluent en fonction des progrès techniques : la diffusion massive et immédiate aujourd’hui du rire (et parfois de son corollaire, la réprobation) n’est pas comparable à celle du XIXe siècle, ou du moins des traces que nous en avons grâce aux imprimés (presse, ouvrages, chansons, etc.), et aux archives.

Mais les ressorts du rire n’ont guère varié : mécanisme de défense face à des situations que l’entendement gère mal, évacuation du trop plein d’émotions, stigmatisation des comportements jugés inadaptés ou menaçants pour la cohésion quand la maladie bouleverse en profondeur les liens sociaux… 

Un beau texte sur l’arrivée du choléra à Paris en 1832 (qu’il faut lire ici dans son intégralité sur Gallica) offre d’ailleurs des similitudes troublantes avec ce que nous vivons actuellement, en particulier à propos de l’humour conjuratoire :

On nous l’avait cependant annoncé bien longtemps à l’avance ; on nous avait fait suivre sur la carte sa marche rapide et menaçante. Le fléau voyageur n’était plus séparé de nous que par cette mer étroite qui nous ramène et nous remporte, avec la mobilité de ses flots, nos rois rétablis ou déchus. Et pourtant, ce voisinage nous inquiétait moins que ne l’avaient d’abord fait les récits venus des pays lointains, doublement terribles par la distance et par la nouveauté. Tout notre effroi s’était usé sur les premières descriptions de ses ravages, sur les premiers dénombrements de ses victimes. Car le Parisien ne peut pas avoir peur longtemps du mal qu’il ne voit pas, lui qui s’habitue si facilement à ses misères. Et puis, quoi qu’on veuille lui dire, il a foi dans la salubrité de sa ville natale, dans l’air suave et pur que l’on respire depuis l’Estrapade jusqu’à la rue du Rocher, dans la limpidité des eaux que roule la Seine enflée par d’innombrables égouts, dans les émanations bienfaisantes des ruisseaux qui parcourent nos rues. Comme l’épidémie se faisait attendre, il s’est imaginé qu’elle reculait devant nos calembours, nos caricatures et nos patrouilles ; et déjà il l’avait oubliée aussi complètement qu’un enthousiasme de l’année précédente, une émeute du mois dernier, et un scandale de la veille. Rien n’avait donc été dérangé dans notre vie et dans nos habitudes […]1.

Je vous propose donc d’explorer, grâce à Gallica, bibliothèque numérique de la BnF, et d’autres bibliothèques numériques (confinement oblige), la manière dont la presse satirique a pu réagir face aux épidémies que le XIXe siècle a connues. Nous commencerons par Le Charivari dont les soixante-dix premières années de publication sont numérisées, ce qui permet de traverser virtuellement des épidémies de grippe et de choléra. Dans la période analysée (1832 à 1870), la place de la médecine et des médecins dans la société se modifie considérablement en fonction des progrès de la science et de l’hygiène, et des régimes politiques très différents se succèdent. Bien entendu, dans le cadre restreint d’un billet, je ne peux restituer que quelques thématiques, soit parce qu’elles prennent une place particulièrement importante dans les pages du Charivari, soit parce qu’elles entrent tout particulièrement en écho avec les questions que nous nous posons aujourd’hui.

 

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Agnès Sandras

 

chargée de collections en histoire de France au département Philosophie, histoire, sciences de l'homme


 

 

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