Chris Ware

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images/Pouchette Inside_Chris Ware_300.jpgChris Ware

Exposition
du 29 mars au 19 mai 2018

Galerie Martel
17, rue Martel - 75010 Paris

Vernissage le mercredi 28 mars à partir de 18 h 30 et dédicace le jeudi 29 mars à partir de 16h

   Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. /01 42 46 35 09
14 h 30-19 heures du mardi au samedi

www.galeriemartel.com

Après Joost Swarte et sa « ligne claire » typée, la Galerie
Martel offre pour la deuxième fois ses murs à Chris
Ware. Quoi de plus logique ? Swarte est le rénovateur
d’un style, quand Ware pousse celui-ci à ses extrêmes :
inventivité formelle, recours au schéma, au plan, à la
maquette, changements perpétuels d’échelle…
Ce poète de la mélancolie et de l’architecture vintage
met en perspective son oeuvre, sa vie et l’évolution de
sa manière dans un tout récent album, Monographie.
La Galerie Martel a le plaisir de réunir une sélection
d’originaux majeurs de cet artiste hors norme.
Chris Ware naît à Omaha, Nebraska, en 1967. Dans les
années 80, l’ado découvre la culture sixties. Il dévalise de
leurs comics underground les kiosques et les boutiques
de sa ville, dévorant Raw, Robert Crumb, Gary Panter,
Charles Burns. Lui qui ne se reconnaît qu’un unique talent,
le dessin, veut sauter le pas : la bande dessinée lui semble
un médium « inexploité, légèrement tendu, un monde
d’expression potentielle, d’honnêteté authentique et
même peut-être un moyen de rencontrer des filles (mais
ce n’était pas le cas). » À seize ans, il quitte le Nebraska
pour le Texas et commence à publier des strips dans
The Daily Texan. Ainsi naîtra Quimby the Mouse, souris
dépressive dont l’univers est cousin de ceux de Krazy
Kat ou de Félix le chat. Spiegelman le repère. Il lui ouvre
les pages de Raw. Plus tard, Françoise Mouly, épouse de
Spiegelman, fera de l’artiste un régulier du New Yorker.
En 1992, lorsque Ware s’installe à Chicago, il continue
à fournir des strips au New City et au Chicago Reader,
deux hebdos alternatifs. Ces bandes nourriront The
Acme Novelty Library, la série de comic books aux
formats variés qu’il commence alors à publier. Le ton est
donné. Car Acme, c’est une société de vente imaginaire
et loufoque où se fournissent aussi bien Vil Coyote que
les savants fous de Gary Larson.

Chris Ware habite son oeuvre, dont il est autant le
démiurge que l’acteur discret : au mieux discerne-t-on son
paraphe sur l’une de ses pubs minables, façon « reprenez
vos études » ou « exploitez vos possibilités ». Il en raffole,
comme des faux labels de 78 tours, des effets de loupe et
des flèches à la Al Capp, des éclatés et des enchaînements
de cases minuscules. Sur ses doubles pages magistrales,
il dissocie en douceur les causes et les effets, le présent
et le passé, tandis que son trait danse sans hiatus entre
la grâce de Little Nemo et l’exactitude millimétrique d’un
dessin industriel. Le livre qui l’impose, Jimmy Corrigan, le
gamin le plus intelligent du monde, est publié en 2000.
Son héros, né dans un hebdo de Chicago, a transité
par les pages de The Acme Novelty Library. Avec sa
tristesse endémique, ses intrigues croisées, son talent
et sa finesse, ce roman graphique rafle les distinctions.
La force de Jimmy Corrigan - comme celle de l’oeuvre
de Ware - c’est l’ésotérisme élégant. On le discerne dans
la disposition tête-bêche ou à 90° de certains dessins.
Dans les indices discrets émaillant cases et schémas, que
des lecteurs s’acharnent à repérer, au fil d’une lecture qui
peut ne pas avoir de fin.
Partout chez Ware poussent des buildings. Hauts,
répétitifs, façades de pierre ou de terre cuite. Fenêtres
rectangulaires reproduites à l’identique : c’est la patte
rigoureuse de l’école de Chicago. Ce style est l’une des
passions de l’artiste, et cette ville est devenu le centre de
sa fiction. Building Stories - « Histoires de bâtiments »,
« Bâtir des histoires » ou même des « étages » - prend
l’aspect d’une boîte de jeu recelant comics, album
relié, strips, formats géants et même un faux Petit Livre
d’or, tous composant l’histoire. Monographie, dernier
ouvrage en date de Ware, propose d’anciens clichés
et des maquettes à monter soi-même de bâtiments et
d’appareils. Le modèle réduit est un relais entre son
monde et le nôtre, du petit quartier de banlieue en
balsa au cinéma à manivelle en carton léger. Dans ses
dessins, le changement d’échelle fait voisiner les cases
microscopiques et les personnages format tabloïd. Enfin,
Monographie témoigne de l’évolution stylistique de Chris
Ware, qui reprend désormais en dessin manuel les codes
numériques, souris, colorimétrie, etc.
L’oeuvre de Chris Ware peut faire sienne la réflexion de
Georges Perec à propos de La vie, mode d’emploi, ce
roman-puzzle consacré à la vie d’un immeuble parisien :
« un livre pour jouer avec. » Elle est soeur aussi de
l’approche de Richard McGuire, l’auteur de Here (Ici).
L’un explore l’espace. En fixant son regard sur un coin
d’Amérique, l’autre traverse les années et les millénaires.
Deux façons de donner à lire en la cryptant la gravité
de l’existence, par une démarche graphique inédite qui
renforce encore la difficulté de l’exercice.
François Landon