Humoresques

Le Masque et la Figure. Etudes sur le rire

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Joë Friedemann, Le masque et la figure. Etudes sur le rire. La Genèse, le rire noir, l'utopie, la Shoah, Paris, Orizons, 2014, 134p, 13€.

mot-clé : Genèse, Shoah, utopie, Anna Langfus, Charles Fourier, Alexandre Weill, Gwynplaine

  "Le masque ! le masque ! Je donnerais un de mes doigts pour avoir trouvé le masque"  (Diderot)
"Le rire n'est qu'une expression, un symptôme, un diagnostic. Symptôme de quoi, voilà la question" (Baudelaire )

 

Les études ayant pour objet, selon la formulation de Jean Sareil, de "montrer comment le rire affecte la pensée d'un écrivain et l'économie d'une œuvre", ont attiré, ces dernières décennies, un effectif croissant de chercheurs. Or le rire n'étant "jamais dans l'art qu'un moyen et non une fin", l'essence d'une approche formelle du phénomène repose, de ce fait, sur l'ensemble des textes, supports réflexifs de leur auteur. Il en résulte des questions qu'on ne peut manquer d'aborder.

De là, en un premier temps, une constatation qui paraît essentielle : le phénomène du rire, au plan de la pratique et de ses motivations, loin de se satisfaire illusoirement de réponses-sommes, par la force des choses partielles, se définit, moins par des arguments se voulant indéniables, que par la pluralité des interrogations qu'il suscite. Et ce, aussi convaincantes que puissent paraître les démonstrations et les références de certains spécialistes et théoriciens … "Il n'y a pas d'humour, dira Baldensperger dans une formule connue, il n' y a que des humoristes" … Addison, pour sa part, estimait plus facile de dire ce que l'humour n'est pas, que de dire ce qu'il est !
Corollaire de cette observation : notre ouvrage comporte, parmi de nombreuses autres possibles, quatre études touchant des œuvres aux optiques essentiellement différentes. Quelles conclusions uniformes, en effet, tirer des rapprochements entre des écrits n'ayant à l'évidence, aucune parenté ou affinité idéologique ?
Rien de plus contradictoire que deux options, dont l'une est porteuse d'un rire amène et optimisteen son début, celui de la Genèse biblique, associé à la création de l'homme … Et l'autre, en fin d'un parcours apocalyptique, qui s'avère prélude à un ricanement diabolique accompagnant , selon la formule de Primo Levi, la "démolition", au milieu du 20e siècle, de ce même homme par son semblable.
Rien en outre, de moins similaire que ces deux premières perspectives rieuses antagonistes, confrontées, confrontées à deux autres options, littéraires, quant à elles, ayant trait à un certain rire noir au 19e siècle, lui-même antinomique, à la même époque, d'un humourutopique qui n'en est peut-être pas un.
Faisant suite à deux essais, que nous avons consacrés au rire dans les œuvres d'Elie Wiesel et de Victor Hugo, le présent travail, avec ses contrastes, se présente, bien que limité, comme un appoint phénoménologique aux précédents, il s'attache à mettre l'accent, tout comme ces derniers, sur la fascinante variété de ce motif dans le texte littéraire.
Une recherche de sens du rire et de ses nuances plutôt qu'une recherche d'essence… L'enquête, telle qu'elle s'énonce, ne peut s'effectuer que par la synthèse étroite entre le rire et l'œuvre qui en constitue le socle. … Le rire non pas isolé, non pas défini comme un postulat d'entrée de jeu, mais inséré dans le contexte élargi de la réflexion d'un auteur. Partir du texte même, sans idée préconçue, autant que faire se peut, et de là, tenter, par cercles concentriques et enveloppants, de se rapprocher du signifié rieur dans la pensée de l'écrivain et de son œuvre … L'analyse du rire ne peut être dissociée d'une prospection du récit, d'un examen des différents personnages, et d'un approfondissement de leurs relations bilatérales.
Dans notre démarche, modeste pierre apportée à l'éclaircissement de l'entreprise, se dévoileront peut-être quelques esquisses rieuses qui demanderaient sans doute encore à être peaufinées, parce que jointes à une pensée et à une thématique, elles-mêmes en perpétuel questionnement. (Extrait de l'ouvrage, p15-19)
En matière de rire et d’humour, tout ou presque déjà, au plan théorique, semble avoir été explicité et formulé. D’où la difficulté de trouver des créneaux inexplorés pour un renouvellement des connaissances en ce domaine. Par voie de conséquence, des études moins conceptuelles ayant pour objet de « montrer comment le rire affecte la pensée d’un écrivain ou l’économie d’une œuvre » ont attiré, ces dernières décennies, un effectif croissant de chercheurs. Faisant suite à deux essais consacrés au rire dans les œuvres de Victor Hugo et d’Elie Wiesel, la présente étude, avec ses contrastes et ses perspectives paradoxales, se présente comme un appoint phénoménologique complémentaire de la recherche entreprise. Elle s’attache, une fois encore, à mettre l’accent sur la fascinante variété du motif rieur dans les écrits littéraires. L’enquête ne peut être effectuée et menée à bien que par la synthèse entre le phénomène du rire et l’œuvre qui en constitue le socle, en corrélation étroite avec un examen du récit, des personnages et de leurs relations bilatérales. C’est cette perspective qui a été adoptée dans la rédaction du présent ouvrage. Joë Friedemann, maître de conférences émérite à l’Université Hébraïque de Jérusalem, s’est spécialisé notamment dans les domaines afférents à la « littérature de la Shoah » ainsi qu’à la thématique du rire et de l’humour dans le texte littéraire. Il a publié notamment Le Rire dans l’univers tragique d’Elie Wiesel (Nizet, 1981) ; Victor Hugo, un temps pour rire (Nizet, 2002) ; Langages du désastre (Nizet, 2007).

 

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