Humoresques

Le jeu et la littérature anglophone

Représentations du jeu dans la littérature anglophone (XIXe – XXIe siècles)

Journée d’étude de Paris-Sorbonne (Paris IV) organisée par le laboratoire OVALE en partenariat avec VALE EA4085 

14 juin 2014

 

Maison de la Recherche – Paris IV Sorbonne

28, rue Serpente, 75006 Paris


Lors d’une partie de croquet des plus farfelues, la jeune Alice de Lewis Carroll peine à frapper un hérisson vivant au moyen d’un flamant rose peu coopératif : les règles de ce jeu s’avèrent alors aussi déroutantes pour la jeune anglaise que la prose de Lewis Carroll pour le lecteur du XIXe siècle. Mais aussi saugrenues qu’elles soient, ces règles permettent de constituer un monde ludique dont les principes d’organisation échappent à Alice comme au lecteur, alors qu’elles semblent faire (non)sens pour les autres personnages. Cette capacité à faire monde que partagent la littérature et le jeu serait ainsi symptomatique de leur parenté troublante, ce que Freud mettait en lumière dès 1908: “Chaque enfant qui joue se comporte comme un poète, dans la mesure où il se crée un monde propre.”

Cette journée d’étude se propose donc d’analyser les différentes représentations du jeu dans la littérature d’expression anglaise du début du XIXe siècle à nos jours. En s’appuyant sur des références explicites au(x) jeu(x) – du revers de fortune subi par Nell Trent et ses grands-parents dans The Old Curiosity Shop de Dickens, au revers lifté de la Lolita de Nabokov – il s’agira de s’interroger sur la manière dont le jeu se trouve au cœur des enjeux poétiques, politiques et métatextuels de l’écriture fictionnelle.

Comment la référence au jeu, activité régie par des règles prédéfinies à laquelle les joueurs se soumettent volontairement, permet-elle d’éclairer les rapports de force qui sous-tendent l’œuvre ? Comment informe-t-elle la notion de personnage (par exemple à travers les figures chargées de symbolisme du roué ingénieux ou de l’ingénu roué, et du discours moral qui les accompagne) ? La référence au moment du jeu, cet instant suspendu, en marge du réel, n’infléchirait-elle pas également la structure de l’œuvre ? Tantôt respiration, moment de stase, le jeu peut aussi – comme dans les jeux d’argent – être déclencheur de la catastrophe dramatique au sens aristotélicien du terme. On pourrait ainsi explorer ce caractère imprévisible du jeu, souvent présenté comme potentiellement dangereux, voire fatal, et le rôle de ce « frisson du jeu » dans l’économie de l’œuvre.

Par ailleurs, ce frisson semble se transmettre de l’échine du protagoniste à celle du lecteur. Il est en effet tentant d’établir un parallèle entre l’activité de jeu des personnages et celle du lecteur aux prises avec l’œuvre, comme le fait Chad Harbach dans son roman The Art of Fielding. Ce rapprochement sous-tend également toute une tradition critique de théorie de la réception fondée sur le plaisir ludique du texte. La métaphore du jeu crée ainsi une passerelle métatextuelle souvent convoquée par les critiques pour désigner l’activité herméneutique, de Blanchot à Ricœur. Mais le lecteur aborde-t-il toujours le texte en joueur ? Cette référence constante aux chausse-trappes du jeu herméneutique n’est-elle pas précisément le piège qui guette le théoricien?

A titre d’exemple, on pourra aborder les thèmes suivants (non exhaustifs) :

- modalités et représentation des scènes de jeu : la manière dont les différentes époques et genres littéraires sollicitent le jeu

- le jeu et sa règle : comment le jeu conjugue contrainte et liberté, ou orchestre pouvoir et soumission

- le jeu comme activité non-ludique, dénuée de plaisir, violente ou perverse

- jeu et sacré, jeu et rituel

- le temps du jeu

- la tentation escapiste du jeu

- illusion et vérité dans le jeu, jeu et mascarade

- jeu et théorie du texte
 Keynote speaker: Joyce Goggin, Universiteit Van Amsterdam

Les propositions de communication (300 mots maximum), en anglais ou en français, devront être envoyées à   Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. , accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, avant le 2 mars 2014. Une sélection des communications pourra être publiée dans la revue Sillages Critiques.

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