Humoresques

Gus Bofa

images/stories/Bofa epd_300.jpgEmmanuel Pollaud-Dulian, Gus Bofa, l'enchanteur désenchanté, Paris, éditions Cornélius, 2013, 550 p, 55€.

Mot-clé : Humour graphique, Gus Bofa, illustration, Salon de l'Araignée

 

L'ouvrage était attendu par tous les passionnés d'humour graphique et d'illustration. Il a fallu toute l'énergie et la passion de son auteur pour permettre cet aboutissement en tout point remarquable. D'autres qualités méritent d'être signalées, telle que la qualité de l'écriture qui plonge naturellement le lecteur dans la vie de Bofa et de son temps. Autre qualité assez rare pour ce genre d'ouvrage, les indications sur les événements contemporains se lisent comme un roman d'aventures. Incroyablement riche d'illustrations dont certaines totalement inconnues. Ce livre de 552 pages superbement édité chez Cornélius est une véritable réussite. (Nelly Feuerhahn)

 

"La première monographie consacrée à Gus Bofa est publiée en 1930 par les Editions de la Belle Page. Ce livre de luxe, magnifiquement illustré (116 illustrations, dont 43 inédites), bénéficie d’un texte de Pierre Mac Orlan, sans doute celui de ses contemporains qui connait le mieux Bofa.   Mais le tirage, limité à 108 exemplaires, lui assure une diffusion confidentielle.
En 1980, Futuropolis publie Gus Bofa, l’incendiaire de Roger Bouillot. Cette ébauche de biographie offre une vision partielle de l’œuvre de Bofa. La médiocrité des reproductions, l'absence de couleurs et de curieux partis pris de mise en page (non respect du format des dessins, suppression des légendes, etc.), ne lui rendent pas justice. Ce fut longtemps le seul ouvrage consacré à Bofa disponible
En 1994, les Cahiers Pierre Mac Orlan, hélas aujourd’hui disparus, publient un volume précieux, fort bien documenté, Mac Orlan vu par Gus Bofa & Gus Bofa vu par Mac Orlan.
Avec sa Bibliographie de Gus Bofa, en 1999, François San Millan, dessinateur lui-même, réalise un travail indispensable. Une recherche aussi rigoureuse que patiente lui a permis de recenser la presque totalité de l'œuvre, considérable, de Bofa. Clair, bien présenté et soigneusement illustré, ce livre se doit de figurer dans la bibliothèque de tout amateur de Bofa qui se respecte.
En 2013, les éditions Cornélius, qui assurent la réédition des livres de Bofa depuis 2001, publient Gus Bofa, l’enchanteur désenchanté. Cette biographie de 552 pages replace l’homme et son œuvre dans leur époque.  
Raconter la vie de Gus Bofa, c’est faire le récit d’une disparition. Il faut tenter de comprendre comment a pu s’effacer des mémoires et des dictionnaires un artiste profondément original, affichiste, publicitaire, revuiste, dramaturge, critique dramatique, chroniqueur littéraire et responsable d’un salon artistique, mais aussi, et surtout, auteur d’une quinzaine de livres inclassables, illustrateur de plus d’une trentaine d’autres, de Don Quichotte au Chant de l’Equipage, en passant par L’Assassinat considéré comme un des beaux-arts. Sans doute cette versatilité en compliquant le travail d’étiquetage des critiques, lui a-t-elle porté tort. Bofa a toujours refusé de se laisser enfermer dans un genre, une école, une case, une boîte.
Et puis il a eu le grand tort d’être un dessinateur et non un peintre. Or seule la peinture a une valeur marchande. Seule la peinture intéresse critiques, universitaires, marchands et collectionneurs. Pascin, lui-même, se désespérait de devoir peindre des femmes nues à la chaîne pour contenter les marchands, alors qu’il préférait dessiner.
Enfin, Bofa a réalisé ses œuvres les plus belles et les plus personnelles dans le domaine du livre illustré, genre considéré, avec autant de mépris que d’ignorance, comme une note en bas de page de l’Art décoratif.
Les historiens de l’art  mettent en scène une lutte fantasmée entre l’académisme et l’avant-garde. Il n’y a aucune place dans cette fiction pour des artistes aussi indépendants et singuliers que Bofa.
Oublié de son vivant, Bofa le reste aujourd’hui. Là où passe l’histoire de l’art, rien ne repousse. Il reste cependant aimé et admiré de quelques amateurs, et de dessinateurs, capables, eux, de comprendre la complexité de son art. « Bofa », écrit David Pruhomme, « n’en fait ni trop, ni trop peu. On pourrait parler d'économie de moyens s’il n’avait une telle science du cadrage. Les fondamentaux plastiques sont ordonnés au service de l'idée, sans sacrifier la sensualité du dessin, qui reste charnel et sans affectation. »
Fruit de plus de huit années de recherches, Gus Bofa, l’enchanteur désenchanté propose des photos et des textes inédits qui jettent une lumière nouvelle sur un artiste aussi profond qu’original. Un tiers des dessins reproduits sont entièrement inédits, comme ceux  que Bofa faisait au lycée ou les portraits qu’il réalisa pour un arbre généalogique fantaisiste. Plus de la moitié des œuvres reproduites le sont à partir des originaux.
L’œuvre de Gus Bofa n’est ni facile, ni joyeuse, mais elle mérite amplement d’être redécouverte et considérée enfin dans son ensemble". (Emmanuel Pollaud-Dulian)