Humoresques

Les intellectuels et la guerre d'Algérie

images/stories/Ouvrages_Bib/algrie imec_300.jpgCatherine BRUN et Olivier PENOT-LACASSAGNE,
Engagements et déchirements. Les intellectuels et la guerre d'Algérie. Paris, Gallimard/Imec éditeur, 2012, 260p, 350 documents d'archives.

mot-clé : Guerre d'Algérie, Siné, Bosc, Maurice Henry, J. Lap, Daumier, Jean Effel, Francis Jeanson, Kateb Yacine

Rien de moins drôle que la guerre. A priori l'ouvrage ne relève pas d'une sélection d'ouvrages humoristiques. Ce n'est donc pas à ce titre que je le signale. Un irremplaçable travail d'analyse et de regroupement des archives sur cette douloureuse et confuse période est proposé dans cette publication remarquable à plus d'un titre. Mais un tel ouvrage appelle les passionnés du dessin d'humour à s'interroger sur le rôle du dessin de presse en contrepoint des débats, des prises de positions courageuses voire visionnaires de certains intellectuels dont Camus, Mounier, Ricoeur etc...

  Ainsi Siné est-il présenté dans sa vigueur extraordinaire (p 42, 110, 154-inédit, 168), ainsi que d'autres Jean Effel (p. 93,166),  Sennep (p. 167), Jacques Lap (p. 152, 175, 182), Bosc (p 122, 183, 212-un dessin plus tardif qui évoque les Pieds Noirs), Maurice Henry (p.101 absent de l'index des personnages). Plus remarquable encore, un dessin de Daumier (p. 137) illustre la couverture de L'Espoir Algérie en avril 1957, confirmant le pouvoir emblématique du grand dessin de presse politique. Sur le dessin original de Daumier publié le 16 avril 1850 dans Le Charivari, on voit Adolphe Thiers (1797-1877), ancien journaliste, qui s'apprête à assassiner la Presse, avec une nouvelle loi  restreignant la liberté (votée le 16 juillet 1850). Une allégorie féminine évoque la Presse, apparaissant dans un halo lumineux. Le dessin donne toute sa force au grand titre de la couverture "Saisi cinq fois L'espoir Algérie reprend la parole". On trouve encore un dessin de Daumier à valeur illustrative (p. 194). Particulièrement remarquable, un dessin en 4 vignettes dû à Kateb Yacine dans Afrique Action, le 19 juin 1961, dont on apprend que sous le pseudonyme de J'ha il a donné des chroniques satiriques illustrées. Le J'ha ou  Djoha, est le nom de ce personnage amusant et familier du folklore arabe, naïf et rusé, qui déploie toujours des raisons de traverses à son avantage. Une étude de ces chroniques a-t-elle été faite? Autre raison de lire cet ouvrage passionnant, on y apprend les détails de cette période dans la trajectoire politique de Francis Jeanson, mieux connu dans nos références pour son essai sur la Signification humaine du rire (paris, seuil, 1950). Enfin, comment ne pas évoquer la remontée de souvenirs en lisant la mention d'Alban Liechti (p. 145), dont les murs de la ville de mon enfance réclamaient la liberation....

Pour les fidèles lecteurs d'Humoresques,  je rappelle un texte de Laurent Gervereau sur le dessin militant pendant la guerre d'Algérie : "Paroles et silences de guerre" publié dans Humoresques, n°5 "Humour et politique. Le pouvoir au risque du rire.", 1994, p.81-96. Il apporte un regard complémentaire très utile.


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