Humoresques

Les périodiques illustrés (1890-1940)

images/stories/Ouvrages_Bib/kaenel illustrs_300.jpgPhilippe Kaenel (éd.), Les périodiques illustrés (1890-1940). Ecrivains, artistes, photographes. CH-Gollion, Infolio,  2011, 251p., 10€

Mot-clé :Presse satirique, Willette, Chansons, Jugend, Courrier français, La Revue rouge, Revue illustrée, chansonnier

Les auteurs de ce volume sont des spécialistes venus de la littérature comparée (Evanghélia Stead), de la littérature (Hélène Védrine), de l'histoire de l'art (Luce Abelès, Laurence Danguy, Philippe Kaenel), de l'histoire (Laurent Bihl, Joëlle Beurrier) ou de la sociologie (Gianni Haver). Ensemble, ils jettent un éclairage neuf et nuancé sur les dessinateurs de Montmartre, les journaux satiriques allemands, le monde des revues symbolistes et "décadentes", le rôle des photographes durant la Grande Guerre et leurs postures face à l'événement, jusqu'à la Seconde guerre mondiale.

"Écrivains, artistes, photographes et éditeurs sont les forces vives des périodiques illustrés entre 1890 et 1940. Au confluent des arts graphiques et du livre, ce territoire éditorial relève alors d’une géographie complexe, voyant se côtoyer des périodiques satiriques à large diffusion et des revues artistiques et littéraires, élitistes et confidentielles. Ces revues évoluent qui plus est au gré des innovations techniques, des inflexions données à la ligne éditoriale, selon le contexte historique et culturel, le renouvellement de l’équipe rédactionnelle ou l’influence d’un dessinateur vedette. Les relations des différents partenaires y sont compliquées et se déterminent en fonction d’enjeux économiques, esthétiques et symboliques fortement investis. Que les échanges soient en apparence cordiaux et amènes ou, plus rarement, ouvertement conflictuels, ils s’organisent invariablement en termes de pouvoir.

C’est précisément cette dimension humaine des périodiques, jusqu’à présent peu prise en compte, qui est au cœur des contributions réunies et préfacées par Philippe Kaenel, professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Lausanne. Centrées sur les figures du dessinateur, de l’écrivain, du journaliste et du photographe, et sur leurs interactions, ces études de cas permettent de jeter un éclairage sur les dimensions sociales, esthétiques et techniques de leurs métiers respectifs, indissociables de leur engagement au sein des périodiques illustrés. La revue est certes le lieu où ces acteurs exercent leur art, leur servant parfois de laboratoire, mais ne saurait pour autant assouvir tout à fait leurs ambitions. Bien souvent, écrivains et artistes recherchent une reconnaissance dans les espaces « légitimes » et connexes des belles-lettres et des beaux-arts, quitte à tourner ceux-ci en dérision lorsque la partie semble perdue. Alors même que s’organise dans bien des cas une unité de façade au nom de la confraternité des arts, nécessaire à leurs ambitions personnelles, cette recherche de légitimité s’avère impitoyable dans l’espace éditorial de la revue où chacun défend âprement sa place. Cette rivalité se joue aussi bien entre dessinateurs et rédacteurs qu’à l’intérieur de leur communauté respective, et scelle longtemps le sort de photographes, peu ou prou, sacrifiés sur l’autel de la concurrence. Ceci, cependant, avant que la Grande Guerre et ses exigences de véracité ne permettent à ces derniers de trouver leur place, jusqu’à parfois supplanter à leur tour dessinateurs et rédacteurs.

Les contributions réunies dans cet ouvrage au format de poche, richement illustré sont issues d’un colloque qui s’est tenu en 2009 au Centre des sciences historiques de la culture de l’Université de Lausanne. Provenant d’historiens, d’historiens de l’art, de spécialistes de la littérature comparée et de sociologue, elles portent un éclairage interdisciplinaire sur les conditions d’exercice des collaborateurs de différents périodiques de l’espace franco-allemand durant un demi-siècle. Laurent Bihl retrace les aléas de la collaboration de Willette au sein du Courrier français et ses tentatives malheureuses d’éditeur de revues. Laurence Danguy fait émerger autour de la revue Jugend un parangon de dessinateur jugendstil. Luce Abélès étudie la configuration professionnelle et intermédiale de très méconnus recueils de chansons. Hélène Védrine et Évanghélia Stead s’intéressent aux avatars éditoriaux de revues précieuses où s’exprimèrent les évanescences fin de siècle, objets bibliophiles entretenant des rapports incestueux avec le livre. Joëlle Beurier et Gianni Haver, enfin, s’attardent tous deux sur la situation des photographes, la première en pointant la Grande Guerre comme le moment décisif de leur entrée dans l’univers de la presse, le second en étudiant sur plusieurs décennies les différentes étapes d’un processus d’émancipation."
(Laurence Danguy)

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