Humoresques

Le rire des libertins

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Bruno Roche

Le rire des libertins dans la première moitié du XVIIe siècle.
Paris, éditions Honoré Champion, 2011. 

     

A priori rebelle à toutes les classifications, le rire émis par les « libertins » traduit une posture de supériorité. Les épisodes paradigmatiques des fictions comiques participent de la même attitude de distanciation lucide que celle qu’on remarque chez les érudits. Ce rire possède des enjeux philosophiques et idéologiques dont l’unité est à chercher dans le projet plus ou moins affirmé d’en finir avec la conception théologique de l’homme.

Pour d’élémentaires raisons de sécurité, une telle visée devait se déployer sous le masque et le rire emprunter les voies plus retorses de l’ironie. De ces contraintes sémiotiques et rhétoriques, nos auteurs se sont étonnamment bien accommodés. Dans leurs œuvres, la pratique de l’équivoque et le dédoublement des pôles de l’énonciation s’avèrent structurels. Solidaire de l’activité érudite, l’inspiration érotique, ce moteur élémentaire du comique qu’on croyait propre au libertinage de mœurs, entérine la thèse épicurienne de l’origine corporelle des idées et alimente la critique antithéologique. Rejetant toute forme de dualisme, les libertins pensent dans la continuité les activités corporelles et psychiques. Pourtant le rire ne se laisse jamais totalement absorber par sa mission. N’étant pas toujours corrélé à une parole claire et démystificatrice, il renvoie au-delà de l’expression rationnelle à des réactions qui donnent matière à des jeux poétiquement féconds. Mu par cette dynamique, le rire libertin évolue sans heurt de l’ironique à l’onirique et favorise une éthique et une esthétique de la jubilation. Par le rire, le libertinage trouve ainsi son ultime et paradoxal accomplissement dans le champ littéraire
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